NANARDISES

Vaillant lecteur de l'impossible,
si toi aussi tu aimes les bouses liquides,
mets tes bottes, enfile ton ciré et viens te gondoler.

mardi

Hercule à New York



petit Hercule et papa Zeus

Chers petits amis,

Voici un trip longue durée tiré d'un excellent navet.

Dès le générique, on s'attend à la poilade du siècle, l'un des coproducteurs de cette magnifique comédie pour petits et grands étant The Tooniversal Company. N'ayant jamais vu le navrant générique de cette talentueuse société sur un autre film, je me précipite sur l'IMDb et me voilà rassuré. The Tooniversal Company n'a produit que deux films : celui-ci et « Marco Polo: Return to Xanadu », que nous sommes impatient de découvrir lorsque nous nous serons remis d'Hercule (deux qui le tiennent).

Tout commence comme l'un des meilleurs épisodes de Bioman, avec un texte imbitable lu par une voix off tandis que la caméra traverse des nuages et s'attarde sur quelques montagnes. Et voici l'Olympe ; une sorte de Jardiland avec quelques colonnes pour faire charcutier enrichi. Çà et là, des personnages s'affairent, vêtus de toges dont la blancheur ferait envie aux meilleurs pubs pour lessives, qui en jouant du luth, qui en agitant les voiles de son léger vêtement au son du doux flageolet, qui en discutant avec Zeus son père pour aller gambader sur terre. Car Hercule s'emmerde sec dans l'Olympe (il aime pas le sirtaki qu'on entend à chaque fois qu'on croise un dieu). Il le dit lui même : « I am bort, I am tirred ov ze zame old vayzez (faces). », car Hercule, en bon demi-dieu grec qu'il est, a un fort accent autrichien et le visage impassible de Terminator ; mais ça n'est que le début d'une très longue série d'incohérences hilarantes.

Hercule (Hercule en VO), c'est Arnold Schwarmzennerggertre dans ses beaux jours (il est crédité sous le nom d'Arnold Strong, c'est moins chiant à écrire).



En fait on l'a jamais vu aussi stéroïdé depuis, à tel point qu'on se pose moult questions sur l'état de son foie et la taille de ses testicules (qu'on ne voit pas sous son élégante mini-jupette). S'agissant de sa splendide acromégalie et de son maxillaire prognathe dus à l'abus d'hormones de croissance, c'est suffisamment impressionnant pour s'empêcher de pratiquer à jamais le moindre sport.

Donc, Arnie veut se barrer car, s'il est demi-dieu, il est aussi demi-humain. Et le voici parti à faire un demi-caprice (des dieux) en maugréant contre Zeus mâchoire serrée : « I von't stay ! ». Et comme faut pas faire chier Zeus trop longtemps, Shazam ! Il lui balance un éclair (un truc en fer tout tordu, comme dans les bandes-dessinées) et paf ! ça pète devant les déesses épatées et Hercule disparaît sur un plan même pas raccord mais c'est le style du film parce que rien n'est jamais raccord et on voit pas pourquoi on se ferait chier à passer des heures sur les cadrages et le montage alors que c'est bien plus fun de soulever les jupes des déesses et de mater sous les jupettes des dieux.

Tiens, à propos, mais qui est donc le créateur inspiré de ce monument du septième art ? Et bien il s'appelle Arthur Allan Seidelman. Et il n'a jamais rien réalisé de vraiment transcendant, à part un téléfilm avec Richard Crenna et Angie Dickinson (Secrets de famille) et un film avec Scott Glenn et Harvey Keitel (Puerto Vallarta Squeeze). Comme quoi, les studios sont pas toujours des cons ; il leur a suffi de voir les cinq premières minutes d'Hercule pour savoir où leur fric n'irait jamais. Ceci dit, Arnie n'a pas trop palpé sur ce nanar, s'étant contenté de 12 000 $ (1970), soit le PIB de l'époque par habitant dans les pays de I’OCDE — il est par comparaison de 34 145 $ pour la France en 2008, soit près de 25 000 euros, soit 2 000 euros par mois, soit l'équivalent du salaire d'un surveillant de prison, soit une misère quand on est un Mr Universe qui a passé des années à soulever des putains d'haltères à la tonne et à renifler de la transpi dans des vestiaires moites où des créatinés post-pubères font des concours de zézettes en s'échangeant des photos de mecs en slip.

Malgré les déesses qui l'implorent à genoux (c'est sympa finalement ces toges sur des femmes filmées en plongée), Zeus reste inflexible et dit que s'il avait pu imaginer combien son fils allait l'emmerder, il n'aurait jamais fait un écart par sa mère pendant les vacances.

Et là sans qu'on s'y attende, on voit voler un avion de la Pan Am. Juste après l'Olympe, ça fait un sacré choc. Et on tombe dans Y'a-t-il un pilote dans l'avion, avec une vieille dame qui dit avoir vu voler un homme nu près du hublot et on la force à sniffer de l'oxygène. Puis on passe d'un coup d'un seul à Piège en haute mer, Schwarzie débarquant sur un bateau et pétant la gueule à l'équipage tout en répétant « I'm Herculiz, zon of Zeuz ! ». Et quand il arrive dans le port de New York, il pète la gueule aux dockers. Sûrement parce qu'en américain, Hercule se prononce vaguement « An-cu-liz » et qu'il peut prendre ça pour une insulte. Je passe sur les bagarres clownesques où les mecs tombent avant qu'on les touche et où les coups de poing sont bruités par des claques sur une table.

À partir de là, ça tourne en buddy movie, avec un petit binoclard à mi-chemin entre un rat et Woody Allen qui vend des gros bretzels et l'embarque en taxi vers Central Park. Non content de péter la gueule au conducteur qui commet l'insoutenable affront de lui demander deux dollars pour la course, Arnie retourne le taxi grâce à sa force surhumaine et on entend du sirtaki tandis qu'il s'éloigne avec le rat. Comme quoi, faut pas faire chier Hercule. Puis il se la pète devant des athlètes après avoir enlevé sa chemise en balançant le disque à 200 m et le javelot dans l'Hudson. Il ponctue chaque geste par un hilarant « Zang you ! ».

Après ils sont invités chez un type (qui conclura qu'Arnold est un paysan grec schizophrène qui se prend pour une divinité mythologique) dont Schpountzo reluque la fille comme s'il était dans un film de boules. Plans de coupe pas focus sur la gueule du rat, mais finalement c'est pas plus mal. Suivent quelques scènes sans vraiment de logique dans l'enchaînement, tout comme cette alternance troublante de plans nuit et de plans jour lors d'une ballade en carriole d'Arnie avec la fille du type. Tout ça pour qu'ils finissent par croiser un ours qui se comporte vaguement comme les monstres de carton-pâte de Bioman (décidément) qui se balancent d'un pied sur l'autre les bras en croix pour faire très peur aux nenfants. S'en suit une lutte au corps à corps à hurler de rire au sens propre, entre le costume de Nounours avec un type qui gigote dedans et Hercule pendant que la fille tombe dans les pommes ; crampes aux abdos garanties.

Du coup, comme il se fait des ours, le rat le fait devenir champion de catch. Cherchez pas, c'est comme ça. Du coup, Zeus envoie Mercure pour lui demander de revenir ; comme on est dans la mythologie grecque, j'aurais opté pour Hermès, mais non, c'est Mercure. Bon. Cherchez pas non plus, le scénariste, en plus d'être inculte, doit tourner aux acides.

Le meilleur dialogue du film [traduction maison] se passe devant une affiche de ciné : « Hercule against Godzilla ».
La fille : Oh, regarde, tu es célèbre !
Hercule : Za n'est pas Hercule ! Et qui est ze monzdre qui zemble zorti dout droit du royaume des zompres ?
La fille : Oh, non, c'est un film, un divertissement. Tu ne devrais pas te prendre autant au sérieux.
Hercule : Il ne me rezemble même bas ! Rekart ! (Il enlève son polo et roule des mécaniques.)
Pipi culotte.





Après, il fait du tourisme avec la fille, prend des photos, se promène dans la ville, dans un parc, tout ça sur la sempiternelle musique de sirtaki qui te donne envie de manger des dolmathes et des keftedakia, ou de faire bouffer sa balalaïka au premier type en jupette et chaussures à pompons qui croise ton chemin. Alors Mercure arrive en hélico (mais il repartira en volant). Cherchez pas. Et quand il dit à Hercule qu'il faut rentrer au bercail l'autre répond : « I'm going dou dake a shawouer ». Et les voilà tous les deux dans la salle de bains pendant que le rat mate ; ça devient gay torride.

Du coup, Zeus, avec sa barbe de prédicateur baptiste, est en pétard et ruine le bel agencement de meubles de jardin de l'Olympe à coups d'éclairs rageurs qui explosent en ridicules boules de feu qui font même pas peur. On a droit à un travelling à trois francs avec une caméra portée par un parkinsonien pendant une conversation entre Nemesis et Junon (j'aurais plutôt dit Héra, mais que voulez-vous…) et des prises de son à distance qui ne permettent pas de saisir les conversations à vingt mètres. Technique et prise de vue foireuses, scénario incompréhensible, interprétation désastreuse, costumes risibles, montage en dépit du bon sens, rien ne nous sera épargné.

Après, Pluton (Hadès… soupir…) remonte des Enfers par un escalier du métro pour aller chercher Hercule et le punir en le faisant mariner quelque temps chez lui. Mais Hercule refuse alors arrivent des bookmakers mafieux pour traiter avec Pluton. Et c'est l'affrontement que nous attendons tous entre Monstro The Magnificent et Herculiz Ze Gret. Ils soulèvent des haltères mais Hercule perd parce qu'il avait bu un filtre bizarre servi par Nemesis dans un night club. La fille est poursuivie par les books (faut pas se faire larguer par le scénar) alors Arnie dit au rat : « Vi follo zem! » et les voilà qui poursuivent les méchants avec un char romain (véridique). S'en suit une poursuite à la Benny Hill, avec images accélérées, bruitages hilarants et cascades époustouflantes (un gars essaie de sauter sur le char et tombe sur le sol tout plat mais fait des roule-barrique pendant cinq minutes comme s'il y avait une forte pente).

Et puis on se retrouve dans une papeterie (me demandez pas pourquoi) où les méchants poursuivent les gentils et Hercule se fait casser la gueule alors les dieux envoient Atlas et Samson (???) pour aider Schvartzi. Et puis des déesses aux beaux nénés convainquent Zeus de redonner sa force à Hercule, tout content de pouvoir balancer des bobines de kraft de trois tonnes à la tête des méchants.

Finalement, le rat et Hercule qui est remonté dans l'Olympe conversent via une radio FM. En fait, le demi-dieu se fout de la fille comme d'une guigne (on ne la reverra plus) mais il n'oublie pas son pote le petit looser chétif. On se prendrait presque à vouloir revoir le film pour vérifier si l'idylle n'est finalement pas entre eux deux, mais non, point trop n'en faut ; un bonheur comme celui-là se déguste par petites bouchées.

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